mardi 19 février 2013

Pourquoi déteste-t-on les touristes au Carnaval ?


Partagée près de 1000 fois sur Facebook, une vidéo enregistrée lors de la Bande de Dunkerque le 10 février 2013 a fait réagir les internautes. La vidéo, visible uniquement sur facebook, met en scène un groupe de masquelours scandant « les touristes on n’aime pas ça ».
Alors que la Municipalité de Rio gère chaque année un afflux de900 000 touristes pour son carnaval, que Venise assume la portée internationale de cet événement touristique,  à Dunkerque, un des plus grands carnavals d’Europe en nombre de participants et en durée (3 mois pleins), l'office du tourisme ne comptabilise qu'un millier de nuitées d'hôtel lors du moment le plus intense de la fête, les Trois Joyeuses. Les autres  touristes ? Hébergés et initiés par des amis dunkerquois, ils reviennent souvent d’année en année gagnés par la folie dunkerquoise.
Carnavaleux dans la Bande de Dunkerque
Carnavaleux dans la Bande de Dunkerque. Photo de l'auteur
En effet, à en croire les commentaires, c’est moins la présence des touristes qui gêne, que le manque de préparation des participants à la folie du Carnaval, et surtout le non respect des codes, des interdits, des traditions :
Jules Verge explique:
sans touristes le carnaval de Dunkerque ne serait pas ce qu'il est aujourd’hui. Je ne veux pas dire qu'il disparaîtra  parce qu'il y a toujours cette belle bande de vrais piliers carnavaleux dunkerquois, mais quand même un peu d'accueil pour nous les touristes ! Moi j'en suis un et je viens de Douai et j’ai une très grande admiration pour cette fête alors s'il vous plait, les Dunkerquois accueillez-nous comme il se doit !
respectbande
Extrait de la charte du carnavaleux respectueuxéditée par la Mairie de Dunkerque
Julien Vandemoere ajoute:
je ne suis pas de Dunkerque mais de Lille, cela va faire 10 ans que je fais les 3 Joyeuses,  j'ai été très très bien initié dés le début par des Dunkerquois,  j'ai observé,  j'ai écouté, je me suis renseigné sur le pourquoi du comment du carnaval dunkerquois, et en 10 ans de carnaval, je me suis vite vu évoluer dans le bon sens»

En 1998 déjà, les carnavaleux regrettaient la perte des codes et des repères parmi les jeunes générations. S’en est suivi un vaste mouvement soutenu par les associations carnavalesques et la municipalité pour accompagner les novices et leur apprendre « l’excès dans le respect »: charte du carnaval, sensibilisation dans les écoles, accueil des touristes, rappel des interdits.
Les sites internet dédiés aux débutants ont pris le relais aujourd’hui, permettant aux futurs carnavaleux de se préparer : préparation du costume, révision des chants, explication des différents temps du carnaval (bals, bandes, avant-bandes, après-bandes, Chapelles, rigodon…).  Voyez par exemple le site mincoin.fr.
Unique la situation à Dunkerque ? Non ! A Nice, les « purs et durs » regrettent une certaine forme de standardisation du carnaval, marquée par l’influence du carnaval brésilien.
Le journaliste communiste Le-patriote déplore :
Planche à billet. Ce carnaval ne consisterait-il pas à, seulement, aligner des billets pour s’asseoir gentiment sur des gradins hors de prix ? Plus personne ne se moque de personne. On se contente de s’asseoir sur les gradins, de regarder passer les chars ou de marcher tranquillement sur un chemin délimité par des barrières à moitié déguisé sous l’œil attendri des policiers et en souriant poliment aux touristes venus voir Nice et son plus beau carnaval du monde. »
Char de l'école de samba Beija-Flor lors du défilé 2013
Char de l'école de samba Beija-Flor lors du défilé 2013. Photo de l'auteur
A Rio aussi. Le désamour gagne aussi les « foliões ». Zeca Pagodinho célèbre chanteur de pagode brésilien interviewé par la Folha São Paulo regrette que l’âme populaire du carnaval se soit dissoute sous l’influence de l’arrivée en masse de touristes et de l'ouverture internationale des grandes écoles de samba :
Não tem Carnaval. Vou gostar de quê? Não tem nada. Roubaram tudo, sumiram com tudo. Acabaram com tudo o que é da cultura. Tudo. Não sei que doideira deu nesse mundo aí.

Il n’y a pas de Carnaval. Je vais aimer quoi? Il n’y a rien. Ils ont tout volé, ils ont tout emporté. Ils en ont fini avec ce qui est la culture. Tout. Je ne sais pas quelle folie s’est emparée de ce monde.
Alors pourquoi le Carnaval emblème de fraternité, de partage, de sympathie et de chaleur humaine provoque-t-il autant de mauvaise humeur ? Une crainte des mélanges ? Une nostalgie du passé ? La peur de perdre à jamais les traditions? Un repli face à la mondialisation et aux échanges ?
Un peu de tout probablement. Le Carnaval, composition vivante mais qui nous vient de la nuit des temps, s’est toujours enrichi au gré des lieux, des époques et des courants. Il est devenu aujourd'hui le symbole du partage des traditions locales dans un monde globalisé. C’est un défi à relever mais avec de l’humour et de la créativité, la Folie ne peut qu’y gagner !

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