Décédé dans la nuit
du 26 au 27 février 2013 à 95 ans, celui qui a traversé le XXe siècle, laissera
plus qu’une trace dans l’Histoire. Stéphane Hessel a ouvert le chemin du XXIe
siècle à une jeunesse désorientée à qui il a transmis expérience, force et
espoir. Il s'était confié au
Monde des Religions en
décembre 2010:
« Nous ne sommes
nous-mêmes que lorsque nous essayons de nous dépasser, lorsque nous ne nous
contentons pas de l’acquis. Jusqu’où est-ce que cela nous mène ? Jusqu’à nous
confronter à des valeurs, qui, elles, sont incontestables et nous
surdéterminent. Elles nous donnent un sentiment d’accomplissement. Pour
certains, c’est Dieu, pour d’autres la République, la justice ou la beauté ».
Stéphane Hessel
parlait de la profondeur des choses avec des mots simples. Ces mots qu’il a
trouvés pour parler d’espoir et d’optimisme à une génération maltraitée. L’homme était doux, mais il mettait de
l’énergie et de la force dans ses propos, dans ses colères, dans son
indignation qu’il aurait dû appeler « révolte ».
Un itinéraire européen au service de la réconciliation et des droits de l'homme.
« Citoyen sans
frontières » Stéphane Hessel est né en 1917 à Berlin (Allemagne), et est
arrivé à Paris (France) à l’âge de 7 ans. Stéphane Hessel devient Français à 20
ans. Et la France, il se battra pour elle, quoi qu’il lui en coûte. Sa vie de
militant commence avec la Résistance. Loin d’être un engagé de la dernière
heure, Stéphane Hessel choisit son camp dès le début de la deuxième guerre
mondiale. Fait prisonnier, il ne se résigne pas, il s’évade et rallie le
Général De Gaulle à Londres en 1941. De retour en France, il est de nouveau
fait prisonnier et déporté en 1944.
Et c’est dans le camp de concentration de Buchenwald que Stéphane Hessel se découvre européen :
Et c’est dans le camp de concentration de Buchenwald que Stéphane Hessel se découvre européen :
« Cette
expérience m’a ouvert politiquement. Nous étions là, solidaires, à partager un
douloureux quotidien entre des milliers d’Européens. Il y avait là un brassage,
une génération qui a inventé un monde nouveau dans son opposition au
nazisme ».
Après
sa réussite au concours du Ministère des Affaires Etrangères, il est nommé
secrétaire général adjoint des toutes jeunes Nations Unies. En 1948, il est
alors témoin de
la rédaction de la Charte des droits de l'Homme des Nations Unies. Un article du service de presse de
l'ONU le cite:
« On ne peut pas dire que cela soit un texte occidental. Les
30 articles sont bien rédigés. Certes on retrouve des termes utilisés dans la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le Déclaration
d'indépendance des Etats-Unis. Mais il est injuste de dire que ce texte a été
imposé par les Occidentaux. Quand il a été contesté, il l'a été par des
gouvernements autoritaires et non pas par les peuples eux-mêmes ».
Il entame ensuite une longue carrière de diplomate, alternant entre l'ONU et l'aide au développement. Mais c’est l’âge de la retraite, à partir de 1983, qui lui offre ses plus beaux combats pour les droits de l’homme.
Il entame ensuite une longue carrière de diplomate, alternant entre l'ONU et l'aide au développement. Mais c’est l’âge de la retraite, à partir de 1983, qui lui offre ses plus beaux combats pour les droits de l’homme.
Le droit à l’auto-détermination des peuples, il en a fait
un engagement quotidien, aux côtés des Sahraouis
et des Palestiniens, allant jusqu’à critiquer violemment la politique
colonialiste d’Israël :
« J’ai le sentiment d’appartenir à l’histoire des Juifs,
d’autant que la Shoah m’a touché de près. Je me suis enthousiasmé pour le
sionisme et la création d’Israël. Mais je ne partage pas le repli d’une partie
de la communauté juive. Je déteste l’entre-soi communautariste. Depuis 1967, je
refuse la politique de colonisation et de territoires occupés par Israël. Gaza
est une prison à ciel ouvert".
Ces positions pro-palestiniennes lui valent aujourd’hui des critiques posthumes très sévères de la part des
membres du CRIF (Conseil
Représentatif des Institutions juives de France).
Le droit à la citoyenneté, il en a fait une lutte aux côtés des
étrangers sans-papiers, majoritairement Maliens et Sénégalais, menacés d’expulsion
de l’Etat français dans les années 90. On le retrouve ainsi face aux pouvoirs
publics et aux médias dans l’Eglise Saint-Bernard en 1996. Par la suite, il
rejoindra la Réseau Education Sans Frontières qui milite pour le maintien en France
des familles d’enfants scolarisés dans les écoles françaises. A ce titre, il
prendra la défense des familles Roms.
En 2010 "Indignez-vous" donne de une légitimité intellectuelle aux manifestations populaires
En 2010 il écrit
«Indignez-vous!», 32 pages pour une «insurrection pacifique» qui vont
inspirer des centaines de milliers de militants dans le monde:
"Aussi, appelons-nous
toujours à une véritable insurrection pacifique contre les moyens de
communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que
la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture,
l'amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous. A ceux
et celles qui feront le XXI ème siècle, nous disons avec notre affection :
CRÉER, C'EST RÉSISTER. RÉSISTER C'EST CRÉER".
Hessel
avait su capter les mutations sociales et idéologiques des jeunes générations
et comprendre les opportunités offertes par les nouveaux moyens d’information
et de communication. Il y voyait une possibilité pour les militants de
consolider leur révolte :
"Je constate avec
plaisir qu’au cours des dernières décennies se sont multipliés les
organisations non gouvernementales, les mouvements sociaux […] qui sont
agissants et performants. Il est évident que pour être efficace aujourd’hui, il
faut agir en réseau, profiter de tous les moyens modernes de communication".
Véritable
phénomène éditorial, traduit en 34 langues, et vendu à quelque 4,5 millions
d’exemplaires dans 35 pays dont la Chine, le manifeste est devenu le symbole de
la contestation "globale" à laquelle il a apporté une caution
intellectuelle et savante.
C'est
ainsi qu'en 2011 et 2012, le terme d'«indignés» a été repris par des manifestants
en France, Espagne, Grèce, Italie, Portugal et jusqu’à New York où il a inspiré
le mouvement «Occupy
Wall Street».
Le pamphlet a aussi été contemporain des soulèvements populaires contre les régimes dictatoriaux arabes.
Le pamphlet a aussi été contemporain des soulèvements populaires contre les régimes dictatoriaux arabes.
Une
vidéo postée sur Youtube le 27 février rend hommage à Stéphane Hessel en
reprenant ses appels adressées aux jeunes en français, en anglais et en
allemand associées à des images des manifestations à travers l'Europe:
En
Espagne, où Stéphane Hessel a été considéré à tord comme le père du mouvement
du 15 mai (15-M), son livre a donné un nom, une visibilité mais aussi une
légitimité médiatique aux manifestants devenus "los Indignados". Juan-Luis
Sanchez revient sur le lien entre Stéphane
Hessel et le mouvement 15-M:
"La principale contribution de Stéphane Hessel
au mouvement du 15-M a été d’avoir transmis, grâce à son âge et sa trajectoire
politique, la crédibilité nécessaire aux grands médias pour parler des
mobilisations citoyennes sans avoir l’impression de donner la voix à ce qu’ils
caricaturaient comme un souffle antisystème. [...] Son mot,
« indignation », fut un cadeau : un exemple parfait pour le rien
et le tout à la fois, pour ce militantisme inclusif qui utilisait des termes ne
laissant personne de côté".
Mais
le magazine en ligne allemand diesseits.de titre:
"A 95
ans Stéphane Hessel était le père idéologique de la rébellion démocratique à
travers le monde. Du Printemps arabe à Occupy WallStreet, les gens ont répondu
à son appel vers l’indignation et l’engagement" .
Sur son blog, ALL JUX écrit :
Sur son blog, ALL JUX écrit :
Stéphane Hessel a
réveillé l'esprit critique, le sens humain et la raison. Il a encore su initier
le mouvement d'indignation politique qui se répand sur les continents en
publiant un tout petit livre par le nombre de ses pages mais d'une puissance
sans mesure par la portée de ses propos.
La
blogueuse portugaise Helena Araujo sur le blog 2 dedos de conversa écrit :
Indignez-vous!
Engagez vous!- c'est la conscience du XXe siècle qui nous parle, la voix d'un
homme libre qui a traversé le pire et le meilleur de ce que le siècle passé
nous a légué.
Sur la page Facebook Par millions rendons hommage à Stéphane Hessel, Rüdiger Bender exprime sa gratitude:
Sur la page Facebook Par millions rendons hommage à Stéphane Hessel, Rüdiger Bender exprime sa gratitude:
"Nous
devons une pleine reconnaissance à Stéphane Hessel…reconnaissant pour une vie
d’humanité exemplaire et des engagements courageux en faveur d’une dignité
inviolable et égale de tous les êtres humains…reconnaissant pour ses questions
et son impulsion et encore plus pour ses encouragements pour nous et pour sa
confiance en nous : à nous désormais de nous montrer à la hauteur".
Sur la page facebook en Hommage à
Stéphane Hessel, Sweekitt Carlson s’exclame :
"Un résistant est
mort, pas la Résistance!"
Une pétition demande son entrée
au Panthéon :
"Nous souhaitons
ardemment que la pédagogie civique et la mémoire collective témoigne de
l’importance de l’esprit de résistance. Parce qu’avec Stéphane Hessel, c’est
une vie consacrée à l’intérêt général et au service d’une certaine idée de la
France qu’il s’agit d’honorer".
Dès l’annonce de son
décès, le 27 février, 500 à 700 personnes lui ont rendu hommage à Place de la
Bastille à Paris. Une marche populaire sera organisée le 7 mars,
jour de ses funérailles.
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