dimanche 13 janvier 2013

Joaquim Barbosa, symbole d’une grande mascarade ?

Géant de Joaquim Barbosa à Récife et Olinda-
Photo Agência O Globo- Hans van Manteuffel 


Les organisateurs du Carnaval de Récife-Olinda ont choisi de rendre hommage au très médiatique Joaquim Barbosa. Le très populaire  Président  de la Cour Suprême Brésilienne sera au centre de la folie d’un des carnavals les plus frénétiques du Brésil en intégrant le « cortège des géants ». A Olinda et Récife, dans l’Etat du Pernambouc, les carnavaleux défileront  fièrement derrière la marionnette géante de ce symbole de la réussite sociale aux rythmes endiablés du frevo. Les autorités s’attendent à une augmentation du nombre de curieux et de touristes, qui ne manqueront pas de poser en photo aux côtés du Joaquim Barbosa de carton-pâte. Ailleurs au Brésil, des masques du juge (réalisés avec l’autorisation de l’intéressé) sont déjà en tête des ventes, devant Neymar et seraient même en rupture de stock dans certains endroits.
A Récife, les organisateurs ont déclaré avoir voulu rendre hommage « à une icône de la lutte pour la justice au Brésil ».


Symbole de la lutte contre les discriminations et de la réussite des enfants noirs et pauvres, ce fils de maçon et de femme de ménage du Minas Gerais, est devenu fin 2012 à 58 ans le premier Noir à accéder à la présidence de la Cour suprême à Brasilia. Son élection n'a pas été une surprise  puisque c'est toujours le magistrat le plus âgé qui recueille la majorité des suffrages. Pourtant cette accession à l’un des postes clés de la République du Brésil a constitué une grande première dans ce pays  où 51% de la population est noire et métisse mais reste discriminée et reléguée en bas de l'échelle sociale.


Pour la majorité des médias, notamment les médias conservateurs Veja et Globo, son accession à la tête de la Cour suprême représente une étape importante dans l’histoire politique et institutionnelle du Brésil,  en partie parce qu’il incarne en « chaire » et en os la lutte pour les droits des noirs, mais surtout parce qu’il s’est érigé en symbole de la lutte anti-corruption: il a été le rapporteur ultra médiatisé du procès « Mensalão » qui a impliqué des membres du Parti des travailleurs (PT), accusés d’avoir acheté des voix, blanchi et détourné de l’argent public durant la Présidence de Lula.



Barbosa s’est construit une réputation d’homme indépendant et incorruptible, de pourfendeur des injustices doublée d’une réputation d’homme sympathique et chaleureux: le profil idéal pour faire de lui un possible candidat à la plus haute marche de l'Etat. Barbosa s’amuse des rumeurs, se cachant derrière ses problèmes de santé pour récuser cette hypothèse.

C’est la ténacité, la conviction et la verve de Barbosa qui ont abouti pour la première fois à de très lourdes peines pour les hauts responsables politiques du pays dont de la prison ferme. Ce procès hors normes, particulièrement médiatisé, a vu 27 co-accusés défiler à la barre, dont José Dirceu, l'ancien bras droit de Lula. La condamnation à 11 ans de prison ferme de ce personnage clé du gouvernement Lula a provoqué un véritable séisme politique dans le pays mais également une importante vague de protestations, notamment au sein des partis de gauche.

Le Mensalão est devenu un exemple significatif du processus de judiciarisation de la politique au Brésil : pour que la corruption soit combattue, peu importent les moyens.

En effet, en ayant autorisé une décision condamnatoire fondée sur un ensemble de faisceaux d'indices, en l'absence de preuves directes, les juges du Mensalão sont accusés d’avoir bâclé le procès, d’avoir cédé à la médiatisation et d’avoir voulu faire le show plutôt que d’avoir voulu établir la vérité sur la complexité des questions de corruption au Brésil.
On lui reproche notamment d'avoir négligé d'enquêter sur une autre "Mensalão", celui qui entâche les dirigeants PSDB du Minas Gerais, dont le procès a été initié 2 ans avant celui du PT et qui n'est toujours jugé. D'après les mots mêmes de Barbosa, le procès ne pourrait se terminer avant 2015, soit après les prochaines élections présidentielles.
Une façon subtile de favoriser les candidats du PSDB et de fragiliser le PT.

Mise à jour octobre 2013
Barbosa a également à répondre de certaines de ses pratiques, comme sa tentative d'évasion fiscale par l'achat d'un appartement à Miami, les pressions exercées sur la chaîne Globo pour qu'elle emploie son fils, l'achat par des deniers publics d'un déplacement d'une journaliste venue l'interroger en Amérique Centrale, et plus récemment, de son attitude grossière vis-à-vis de la Présidente de la République, Dilma Rousseff. Barbosa l'a en effet ignorée lors de l'accueil des personnalités à l'occasion de la visite du Pape François au Brésil en juillet 2013.
 

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