Photo Reuters
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Le Brésil est en deuil après avoir appris ce soir, 5 décembre 2012, le décès d'Oscar Niemeyer à l'hôpital Samaritano de Rio, où il était admis pour une infection respiratoire et une déshydratation sévère. Connu internationalement et toujours actif, auteur d'oeuvres architecturales mondialement connues et tourné jusqu'au bout vers la vie et la réalisation de nouvelles commandes, Oscar Niemeyer a fait la fierté de tous les Brésiliens. La ville de Belo Horizonte, pour laquelle il a réalisé la Pampulha a décrété le deuil officiel.
Il aurait eu 105 ans le 15 décembre prochain. Son état de santé s'était dégradé après le décès de sa fille unique, Anna Marie Niemeyer, en juin dernier à l'âge de 82 ans.
Les Brésiliens sont déjà nombreux à lui rendre hommage, comme en témoignent les nombreux statuts Facebook et Twitter qui lui sont dédiés.
Après avoir publié son dernier ouvrage en août 2011, Oscar Niemeyer avait décidé de fêter son 104eme anniversaire en décembre 2011 dans son atelier de Copacabana, au milieu des croquis et des projets. Lui qui avait déclaré lors de son centième anniversaire "J'ai le même intérêt pour la vie que lorsque j'étais jeune. Ma
recette, ne pas accepter la vieillesse, penser qu'on a quarante ans et
agir comme si" était toujours engagé sur de nombreux projets, dont certains sont en cours de réalisation, comme la rénovation du Sambodrome de Rio en prévision des JO 2016. Les témoignages de ses proches, interviewés au moment de son décès, ont révélé que Niemeyer était impatient de retourner à son bureau et de terminer les dossiers qui étaient "en retard"!
" Ma vie était une ballade… et
l'architecture, le chemin que j'ai suivi ", avait simplement confié
Niemeyer à Marc-Henri Wajnberg, dans le film qu’il lui avait consacré en 2000. Dernière figure vivante du modernisme en
architecture, et précurseur du style contemporain, sa vie a marqué l'art et
l'architecture de ce siècle. Connu pour son
attachement au parti communiste, et pionnier de la fondation de la capitale
brésilienne, Niemeyer a enrichi le monde d'un patrimoine visible d'Alger
à New York, de son pays natal à la France, où il a notamment édifié le siège du
parti communiste.
Travailleur volontaire, passionné
et engagé, ferme dans ses convictions humanistes et athées, et surtout doté d'un très grand sens de l'humour, il était unanimement apprécié par les Brésiliens. Ceux-ci s'échangent actuellement quelques une de ce citations, véritables conseils pour une vie heureuse: "Une fois, on m'a demandé ce que je pensais de la vie. J'ai répondu :
du moment que j'ai une femme auprès de moi, advienne que pourra!"
Oscar Niemeyer a vu le jour en 1907 à Rio de Janeiro. En 1930, il entre à l'Escola Nacional de Belas Artes - Enba [Ecole Nationale des Beaux-Arts] de Rio de Janeiro où il commence une formation en architecture. C'est l'époque du renouveau architectural avec des figures telles que Ludvig Mies van der Rohe, Le Corbusier, Frank Lloyd Wright ou Walter Gropius.
Diplômé en 1934, mais « irrité » par l’enseignement
trop conventionnel à son goût de l’établissement, il est attiré par le mouvement
moderniste européen en pleine ascension à cette époque. Il décide de parfaire
sa formation de manière autodidacte et entre en stage chez Lucio Costa (1902 – 1998), fervent adepte du style Le
Corbusier qu’il véhicule au Brésil. Lucio
Costa lui donne l'opportunité de concevoir le siège du Ministério da Educação e Saúde
[Ministère de l'Education et de la Santé] à Rio de Janeiro, sous la supervision
de l'architecte suisse Le Corbusier (1887 - 1965), dont il est l'assistant
dessinateur. Cette collaboration est un tremplin
pour la carrière de l'architecte, qui très vite enchaîne les contrats.
En 1940,
le maire de Belo Horizonte, Juscelino Kubitschek (1902 - 1976) lui commande
l'ensemble architectural de la Pampulha autour d’un lac artificiel. Niemeyer, alors jeune architecte imagine un ensemble
composé d'une église (avec quatre voûtes de béton mises bord à bord), d'un
yacht club, d'une maison de jeux et d'une salle de bal en interaction avec la nature
environnante. Ce projet sur lequel il travaille
jusqu'en 1944, est un point de référence dans son œuvre. C’est le premier
projet qu’il mène seul, et il rompt radicalement avec les concepts fonctionnels
rigoureux appliqués jusqu'alors. Nait alors un style Niemeyer, « une
poésie formelle », dont le langage est fait de formes
nouvelles, de superficies en courbes, et explore les possibilités
plastiques du béton armé: « Le béton suggère des formes souples, des
contrastes de formes, par une modulation continue de l’espace qui s’oppose à
l’uniformisation des systèmes répétitifs du fonctionnalisme international ». Ce projet n’est aussi que le
début d’une longue collaboration entre Niemeyer et Kubitschek, qui deviendra président
du Brésil.
Eglise Saint-François d'Assise- Pampulha- Belo Horizonte |
En 1947, Niemeyer
est convié par l'Organisation des Nations Unies (ONU) à participer à la
commission d'architectes chargée de définir les plans de son nouveau siège à
New York. Son projet, associé à celui de Le Corbusier, est choisi pour servir
de base au plan définitif.
En 1956, Juscelino Kubitschek est élu Présidentdu
Brésil. Celui-ci invite Oscar Niemeyer à participer
à la construction de la nouvelle capitale du Brésil, Brasilia. Le projet
urbain est confié à Lucio Costa. Niemeyer est nommé architecte en chef de
Brasilia en 1958 et y vit jusqu'en 1960. En plein cœur du Plateau central,
Brasilia est né de la convergence de deux projets : celui des architectes
modernistes qui voulaient construire une " cité radieuse " placée
sous le signe d'un monde meilleur et celui du premier ministre Juscelino
Kubitchek, qui rêvait d'un nouveau Brésil, riche et égalitaire.
La forme courbe – à la fois sensuelle, libre et éloignée des préoccupations fonctionnalistes – ainsi que le béton armé lui apparaissent particulièrement bien adaptés pour retranscrire l'intention du gouvernement : produire un « choc architectural » symbolisant l'entrée du Brésil dans l'ère de la modernité, comme en témoignent ces photos de l'inauguration de Brasilia en 1960:
A Brasilia apparaissent successivement : la résidence du chef d'Etat dite Palais
d'Alvorada (1957), la Place des Trois Pouvoirs avec le Congrès National (1958),
le Palais du Planalto (1958), le Tribunal Suprême, les sièges des différents
ministères, le théâtre national, l'aéroport (1965) et la Cathédrale.
Retour sur une aventure humaine insensée avec des images de 1961, un an après l'inauguration de la ville:
Construite
en moins de dix ans, cette cité futuriste représente une alternative
aux lignes et aux angles droits du style international qui dominent
l'architecture moderne de l'Europe des années 30. Niemeyer, s'inspirant
de Le
Corbusier, développe un style expressionniste, sculptural et fluide unique. Si on reproche aux oeuvres de Niemeyer de manquer de verdure, la nature est pourant bien présente dans l'hommage qu'il lui rend en la sublimant et en valorisant les sites naturels. En effet, le béton armé lui permet de créer des structures qui, par
leurs tangentes soulignent les rondeurs des mornes, des baies, des
plages.
L'instauration d'un régime militaire au Brésil
en 1964 amène ensuite Niemeyer, communiste, à construire surtout hors de son
pays pendant plusieurs années : en Allemagne (Berlin), en Angleterre
(Oxford), en Italie (Milan) et au Portugal (en Algarve),
au Proche-Orient (à Tripoli [Liban] et au Neguev), en Algérie (universités d'Alger et de Constantine).
Contraint de s’exiler en 1967, il choisit la France, dont il maîtrise parfaitement la langue. Un
décret du général Charles de Gaulle
lui accorde l'autorisation de construire. Outre diverses opérations d'urbanisme,
il réalise le nouveau siège du P.C.F. à Paris (1965-1971), le projet de centre
dominicain international de la Sainte-Baume, la Bourse du travail de Bobigny
(1978), la maison de la culture du Havre (à partir de 1972), le siège du
quotidien l'Humanité à Saint-Denis (1989). D'autres projets n'ont
pas eu la chance d'être réalisés : une tour en verre pour le rond point de La
Défense, le siège des Usines Renault de Boulogne Billancourt.
La Maison de la Culture du Havre, dite "Le Volcan" |
Sa carrière est d'une longueur exceptionnelle. Les vingt dernières années nous offrent encore de nombreuses œuvres
majeures : le Musée de Brasilia (1988), le Mémorial de l'Amérique latine
de São Paulo (1989), les tours de logements Charles de Gaulle I et II
à Rio (1994), le musée d'Art contemporain de Niteroi (1996), le
musée Oscar Niemeyer de Curitiba (2002) ou le centre culturel d'Avilès, en Espagne, démarré en 2007. En 2011, la
Municipalité du Havre l'a associé aux réflexions sur le réaménagement des
abords de la Maison de la Culture.
Musée d'Art Contemporain de Niteroi |
En plus de soixante-dix ans de carrière, Oscar
Niemeyer a réalisé près de six cents projets architecturaux dans le monde
entier, faisant la fierté des Brésiliens jusqu’à aujourd’hui.
Il a reçu les plus prestigieuses récompenses, dont le
Pritzker Prize (1988), a été élu membre de l'Académie Américaine des Arts et
des Sciences, et a été récompensé pour son engagement dans le communisme par le
« Prix Lénine de la Paix » (1963) ainsi que par la Médaille José Marti
(normalement concédée par Cuba qu'aux chefs d'Etat). Son soutien aux mouvements de libération et aux partis du
gauche du tiers-monde a pris forme récemment au Venezuela, auquel il a fait cadeau d'un projet de monument à la gloire de Simon Bolivar.
Apparu il y a 70 ans, le style d'Oscar Niemeyer demeure
visionnaire. Les courbes féminines et épurées de ses réalisations sont toujours
aussi élégantes. Minérales, ses œuvres s’intègrent parfaitement à l’environnement
naturel, qu’elles contribuent à révéler et à valoriser.
Quelques oeuvres majeures :
- Siège de l'ONU (1947-1953, New York, en collaboration avec Le Corbusier)
- Congreso Nacional de Brasilia (1960, Brasilia, Brésil)
- Strick House (1964, Los Angeles, Etats-Unis)
- Siège du Parti communiste français (1965-1980, Paris XIX, France)
- Hôtel National (1968, Rio de Janeiro, Brésil)
- Université Houari-Boumédienne (1974, Alger, Algérie)
- Maison de la Culture (1972-1982, Le Havre, France)
- Bourse du Travail (1980, Bobigny, France)
- Siège de l'Humanité (1989, Saint-Denis, France)
- Auditorium (2003-2005, Sao Paolo, Brésil)
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