L'école de samba Atabak et ses danseuses lors de la Fête de la Musique à Lille le 21 juin 2013 ©Ilies Asfouri (A.I Photographie) |
Ça y est me voilà rentrée en France! L'occasion pour moi de reprendre le blog et de vous faire part de mes réflexions sur cette constatation: les Brésiliens et les Français s'adorent! Même lorsqu'on n'est pas fan des généralisations, comme moi, il faut se rendre à l'évidence que nous nourrissons l'un pour l'autre une réelle fascination et une sympathie profonde.
J'ai pu le vérifier lorsque je vivais au Brésil et que je n'ai alors entendu que des remarques enthousiastes sur la France. Même chose au retour: je vois briller les yeux de mes interlocuteurs à la seule évocation de ce mot magique: BRASIL!
Le point d'orgue ce fut ce week-end du 21 juin à Lille, où le clou de la fête de la Musique fut la prestation de l'école de samba lilloise Atabak emmenant avec elle des milliers de spectateurs conquis. Et puis ce lundi 24 juin à bord du Stubniz, bateau allemand en escale à Dunkerque, où s'est produite la révélation brésilienne Aline Calixto, faisant danser son public nordiste sur les rythmes de Clara Nunes.
Mes réflexions me sont venues d'une remarque toute simple lors d'une discussion en famille. Celle-ci me confirme en effet qu'elle se sent bien avec les Brésiliens, qu'on peut parler de tout, qu'il n'y a pas de tabous, de gêne, de rivalité ou de non-dits comme on pourrait en avoir avec des voisins européens a priori plus proches de nous (je vis dans une région frontalière ayant souffert terriblement des deux guerres mondiales, ceci peut expliquer cela, même si l'Europe fait partie intégralement de notre quotidien). Le rire, les blagues, les références communes imprègnent très fortement les discussions entre Français et Brésiliens. Cette proximité est d'abord facilitée par nos deux langues, le français et le portugais, qui sont deux langues latines et relativement proches. Pour les Français, le portugais du Brésil est d'ailleurs plus facile à comprendre et à prononcer que le portugais du Portugal. Pour les latinistes, l'apprentissage du portugais sera relativement rapide.
Ainsi, Brésiliens et Français, avant même de se connaître, partagent une même familiarité. Cette facilité dans les échanges n'est pas sans conséquences économiques puisque la France est le premier partenaire du Brésil pour les échanges universitaires et culturels.
Mais pourquoi cette connivence alors entre le jeune grand pays lusophone d'Amérique latine et notre petit pays vieillissant d'Europe? Pourquoi cette sympathie d'une ancienne colonie pour un ancien colonisateur?
Des raisons historiques probablement.
Bien qu'ayant une frontière commune, les deux Etats ne se sont jamais fait la guerre. Le Brésil de Getulio Vargas , un régime dictatorial, a d'ailleurs déclaré la guerre à l'Allemagne et à l'Italie le 31 août 1942 après avoir soutenu ces deux régimes totalitaires au début de la guerre.
La France n'a pas colonisé le Brésil, ou du moins ne l'a pas administré. Les deux pays sont donc très loin du débat sur les pays dominants/ dominés et sur le nouvel impérialisme. L'émigration française vers le Brésil a été plutôt faible comparée à l'émigration portugaise, italienne ou même allemande. Ces deux Etats sont donc épargnés par le complexe de supériorité/infériorité qui pourrait les opposer l'un à l'autre. Pas de débat non plus sur la langue, pas de rivalité, pas d'enjeux géopolitiques comme on peut en trouver dans le monde de la francophonie ou de la lusophonie. A l'inverse, les composantes des populations françaises et brésiliennes, venant du Portugal, d'Italie, de Pologne, du Liban ou d'Afrique contribuent à créer des références communes et partagées (noms de famille, cuisine, parcours familiaux) par les peuples actuels, qui peuvent s'identifier dès lors l'un à l'autre.
La France comme le Brésil sont des pays d'immigration, et d'intégration. Loin du modèle communautaire à l'anglo-saxonne, la nation française comme la nation brésilienne se sont construites selon un modèle d'intégration et d'assimilation, comme en témoigne l'importance accordée à l'apprentissage de la langue. Même si ce modèle d'intégration n'est pas forcément synonyme de modèle égalitaire et juste, mais c'est un autre sujet. Devenir Français ou devenir Brésilien, c'est une question de volonté et non une question d'héritage transmis par le sang des ancêtres. C'est la langue qu'on décide d'apprendre plutôt que la langue dont on hérite. Dans un Etat comme dans l'autre, c'est faire une démarche volontaire de contribuer à la constitution d'une Nation en perpétuelle régénération.
La culture française comme la culture brésilienne s'exportent l'une comme l'autre à l'ensemble de la planète, comme alternative au modèle anglo-saxon dominant. Le cinéma et la gastronomie pour l'une, la musique et le sport pour l'autre. Ce sont des cultures qui se sont souvent enrichies mutuellement, dans la création musicale (la diffusion de la bossa-nova est aussi importante en France qu'au Brésil) et cinématographique. En témoignent les nombreux festivals de musique brésilienne en France et les festivals de cinéma français au Brésil. Ces deux Etats démocratiques font figure d"'exceptions culturelles" proposant une alternative crédible à l'américanisation des habitudes à l'échelle planétaire. Ces cultures se fascinent mutuellement.
Il faudrait étudier plus largement les images et les émotions véhiculées par l'un et par l'autre, le rôle joué par les politiques et les artistes, les éventuels enjeux géopolitiques ou économiques, la construction de l'imaginaire rêvé de part et d'autre de l'océan...mais l'ampleur de la tâche me dépasse un peu, à ce stade.
Ce que j'ai pu constater personnellement, c'est que les Français et les Brésiliens se complètent bien. Unis par un même goût pour la famille, les repas de famille, l'importance de l'amitié, des bons plats, de la nourriture généreuse, les Brésiliens et les Français constituent un miroir l'un pour l'autre, un révélateur.
Un peu comme si pour les Français le Brésil était la France en mieux, et vice-versa, pour les Brésiliens, la France c'est le Brésil en mieux.
Alors, pourquoi le Brésil fascine tant les Français? Un pays ensoleillé toute l'année, une sensualité exacerbée, la joie de vivre, le goût de la fête, la gentillesse, l'harmonie avec la nature, le rejet de la grossièreté, l'optimisme...
Et qu'est-ce qui fascine les Brésiliens? Notre climat tempéré, le principe d'égalité entre tous les citoyens et l'abolition des privilèges de classe, la sécurité, la tranquillité, le sens de l'organisation et de la planification, le bon goût, l'élégance, le raffinement, les bonnes manières, la finesse d'esprit, notre approche globale et holistique des choses, des idées, des concepts...
Toutes ces qualités, parfois exagérément idéalisées, se complètent les unes les autres.
Le fait que les Brésiliens nous envient autant nos valeurs républicaines qui constituent un idéal à atteindre pour eux me rappelle que malgré les difficultés, malgré les discours défaitistes et pessimistes, la France a encore beaucoup à offrir et à partager avec les jeunes démocraties. Il faut continuer à défendre et à nourrir ce que les autres nous envient.
C'est le regard que les Brésiliens portent sur mon pays qui m'a réappris à l'aimer. Parce qu'ici en France, tout n'est pas nul, moche ou foutu. Parce qu'on peut s'inspirer de l'enthousiasme et de l'énergie des Brésiliens pour retrouver le sens de la lutte et l'espoir en des temps meilleurs.
Et vous? qu'en pensez-vous? d'accord ou pas d'accord?
des éléments d'explication?
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